TEXTES DE L'AUTEUR



FORMES CELESTES
ET IMAGES DE CE MONDE


FORMES CELESTES ET IMAGES DE CE MONDE est le texte d’un audio visuel réalisé par Gilles ALFERA en 1979 avec le concourt de quelques 70 reproductions d’art roman des éditions ZODIAQUE de l’abbaye Bénédictine de Sainte Marie de " La Pierre-qui-vire " ( 89830 .St. Leger-Vauban - FRANCE) pour montrer de quelle nature serait l'adaptation que l'artiste devrait apporter à son inspiration pour retrouver la "source" qui a nourrit des millénaires d'oeuvres d'art. La réponse, qui ne peut pas se trouver au niveau des formes et des styles, conduit à des considérations d'un ordre beaucoup plus profond qui relève de la science sacrée des symboles.
EXTRAITS



'je suis passant d'une cité elle-même pérégrine
triples enceinte carrée babel trismégiste
des gardes partout à chaque porte m'obligent
à prononcer le nom de Celle que je cherche'
(chemin)


L'homme a de temps immémoriaux associé l'édification d'une cité à l'ordonnance d'un monde,
Construire c'est ordonner un chaos originel et cet ordre, l'homme des civilisations traditionnelles l'a toujours conçu comme un reflet de l'ordre divin. L'architecture des formes devient alors le visage d'une architecture plus subtile : celle de la Sagesse divine, la quête de cette connaissance devenant à son tour la raison de toute démarche en cette vie, en cette cité des hommes
La cité s'inscrit dans un univers celui de la création et, quoique bien des choses créées constituent des mondes qui ne sont soumis ni à l'espace ni au temps, cet univers tant matériel que subtil est représenté par l'oeuf, l'oeuf cosmique ou la mandorle des Christ romans.

La première détermination d'un monde la première qualification d'un monde est celle que marquent les quatre points cardinaux. Les axes qui les joignent forment une croix dont le centre sera le noyau à partir duquel la cité s'organisera.
Ce noyau, ce coeur, cette source, sont autant d'images auxquelles correspond celle du puits que l'on trouve fréquemment au centre des cloîtres romans. Ce puits est la figure en terre de l'axe cosmique tandis que le clocher de l'église figure ce même axe autour duquel tournent les sphères célestes et les mondes qui leur correspondent.
L'église ou le temple , prototype de toute architecture traditionnelles, est portée par la lune comme ta Vierge de l'apocalypse posée sur le luminaire de la nuit.
Cette lune symbole de notre humanité est le miroir du soleil et en réfléchit sa lumière
de même que notre intelligence spéculative est le miroir et la réflexion- parfois troublée, de la Sagesse divine.
Cette lune qui reçoit supporte et contient comme une coupe la rosée céleste c'est aussi l'arche qui assure à l'humanité depuis ses origines jusqu'au terme de son histoire, les possibilités de son épanouissement.

L'arche toujours actuelle même si elle n'est pas visible, contient l'humanité ; rien en dehors d'elle ne saurait exister
Elle est le lien au cours du développement de notre histoire entre le paradis terrestre des origines- figuré en formes d'enceintes ou de triples enceintes circulaires- et la cité eschatologique, de forme carrée, celle de la Jérusalem à venir décrite par Saint Jean.

L'arche, alliance horizontale entre le début et la fin d'un cycle, permet aux extrêmes non de se rejoindre en un perpétuel recommencement mais de se superposer indéfiniment pour, chaque fois, tendre d'avantage vers la définitive résorption dans le Verbe.

Mais l'arche est aussi alliance verticale entre ciel et terre. Le sceau de cette union est porté par l'axe ou le mat de l'arche qui va de la porte des hommes à la porte des dieux :ceux sont les deux triangles enlacés : l'un pointe en bas l'autre pointe en haut; mais c'est aussi l'étoile de David , le sceau de Salomon ou l'étoile à six branches.
De même l'image de l'alliance se retrouve au pied de l'autel dans le graphisme de l'Ave Maria formé des lettres A V et M entrecroisées en ce lieu où par excellence se renouvelle chaque jour la réconciliation de toute chose

Le ciel ou les trois formes circulaires du tableau, s'unit aux triples enceintes rectangulaires figurant la terre ou autant d'aspect et de tendances propres à la substance primordiale.
Le sceau de leur union est au centre tandis qu'à partir de la première enceinte carrée se développent les trois étoiles de la queue de la petite ourse. Chacune marquera différentes sphères célestes, la dernière indique lepôle. C'est vers ce lieu immobile autour duquel tout gravite, qu'un axe toujours tend ; c'est la direction des solstices en bas le sud, le solstice d'Eté et la porte des hommes ; en haut c'est le Nord le Capricorne, le solstice d'Hiver et la porte des dieux. C'est au Nord, à la Noël, en cette porte des dieux, que se ferme puis s'ouvre le cycle annuel dont Janus dieu de l'année et dieu des portes était le maître.

La fonction de l'arche telle que nous l'avons présentée, suggérait la notion de passage d'un moment à un autre de l'histoire. Elle contenait les germes dont elle devait assurer le développement au fur et à mesure de l'évolution de notre humanité.
A cette fonction l'image de l'arche en nef navigant sur des flots changeants était parfaitement adéquate. Or il existe une autre représentation de l'arche, également très fréquente dans l'art roman .

Celle d'une arche carrée comme une pierre cubique surmontée d'un triangle. Ici l'idée de stabilité prévaut sur celle de l'adaptation et de l'évolution ; c'est aussi le souvenir de l'arche d'alliance Juive qui est un coffret réceptacle de la Shékina- ou présence divine- analogue en ceci à la fonction du tabernacle cubique de l'autel chrétien.

L'arche cubique évoque la présence de la Grâce divine au sein du monde qu'elle ordonne puisque les images carrées relèvent de l'aspect substantiel et formel de la manifestation. Cette présence, le symbolisme extrême oriental l'indique par les trois traits superposés : c'est le Ciel ou le Seigneur des êtres produits par la Volonté du Principe.
Le lieu de l'arche est en fait immobile; c'est l'espace qui se déploie et change autour d'elle. Elle demeure toujours sous l'incidence de la volonté du Ciel, au sommet de la montagne, centre du monde, axe du pôle lieu de toute théophanie.

Le passage de l'arche circulaire à l'arche cubique évoque par anticipation l'attente de la Jérusalem Céleste à l'heure où le cercle des origines pourra se muer en un carré suggèrant ainsi l'accomplissement de toute chose.

Cité cubique fondée dans l'éternel présent
ta nef est au port où toute choses son terme
le cercle se mue en carré,la pierre surgit de ta coupe
et donne à nouveau le chiffre de l'étoile intérieure"
(l'Arche)

 

Cette notion d'achèvement propre à la forme carrée est - dans la perspective de l'hermétisme chrétien - liée à cette fameuse et énigmatique question de la quadrature du cercle qui, dit-on, ne trouvera précisément de solution qu'à la fin des temps.

Par sept degrés, le franchissement de ces enceintes achemine à la porte du sanctuaire ou à la fontaine d'enseignement des fidèles d'Amour. Ces poètes de l'Amour Divin, voyaient dans l'accession à cette dernière et très secrète enceinte la condition de l'illumination spirituelle.


je voudrais en ce lieu tendre la main au ciel
voir la voûte à ma terre s'unir
d'un baiser unique bercé d'immensité
pour que jaillisse cette lumière qui fit ma liberté. "
(Etreinte)

C'est de l'étreinte de la Volonté du ciel et de la Puissance substantielle que se forme un monde, il est tout entier compris dans le volume de ces courbes comme il l'était dans l'ovale de l'amande cosmique.Chaque noeud est un monde on peut en imaginer d'autres possibles qui se superposent le long de l'axe. C'est l'existence simultanée de ces mondes qui permet à partir de l'un d'entre eux d'accéder effectivement -et par degrés- à la connaissance mystique.
Inversement, c'est par cette chaîne d'union de tous les degrés de l'être que les énergies divines peuvent informer et s'incorporer dans la création ; et cela souligne toute l'importance si méconnue à notre époques de l'angélologie

Le carré à neuf cases que l'on trouve au centre du noeud du tableau est une image de l'univers selon le symbolisme extrême oriental. L'empire de Chine était divisé en 9 provinces réparties selon ce modèle auquel correspondait aussi l'architecture du palais de l'empereur. Quoique rares, on en trouve aussi quelques correspondances dans l'art occidental.


'Tout est nombre ici et neuf en est le signe
le carré primordial s'anime au chiffre de Béatrice
Celle qui sans Elle le monde ne serait
Celle qui allaite mon âme d'enfant
(Etreinte)

Au centre de ce carré se devine l'étoile à 5 branches celle des compagnons finis du Devoir, ceux que leur pérégrination avait ramené au centre, à. leur cayenne d'origine, à la Mère.....
L'homme retourné au centre du monde est rétabli dans le plein épanouissement de ses facultés adamiques, il est régénéré et épouse longueur et largeur de toute chose dont il devient alors la mesure. En ce centre, au pied de l'échelle, il est entre ciel et terre, entre les trois traits pleins figurés au sommet du tableau et les trois traits rompus ou Yin de la base de cette composition. L'empereur, en ce lieu, est devenu le fils du Ciel et de la Terre, à ce titre et à ce titre seulement, il peut prétendre être la norme de l'empire.

Ce retour de la périphérie vers le -centre au travers des différentes facultés qui constituent la structure individuelle de chaque homme, a été associée de tout temps à la démarche dans le -labyrinthe.
Chaque étape du parcours correspond au dépouillement du vieil homme que la Grâce invite par degré à s'approcher du lieu où s'actualise la volonté du ciel et où la connaissance des mystères divins lui sera donnée.
Cette connaissance c’est le Don de Dieu qui couronne l’œuvre de l’alchimiste, elle est en relation avec l’idée de souffle divin qu’incarne la cinquième lettre de l’alphabet hébraïque, le " Hé " figuré au centre de la gravure.

pour un chrétien le labyrinthe conduit au pied de la -croix, au pied de l’axe du monde. Au moyen-âge on parcourrait à genoux ces labyrinthes de cathédrales dont le centre représentait Jérusalem.

C’est au terme de ce périple intérieur, lorsque toutes les représentations mentales du monde sont apaisées et réconciliées selon la simplicité et la pureté de l’état adamique que l’on peut, pour reprendre une expression de Dante " jaillir aux étoiles " dans l’abandon de toute pensée et la nuit des sens.
Ce jaillissement évoqué par les trois traits clairs qui s’élèvent de la porte centrale et par l’échelle que l’on découvre au terme du fil d'Ariane, incite à sortir hors du cadre de la composition car en fait, toute ascension est accession à un ordre, autre que formel.

La fin et le modèle de toute ascension est le Christ ; roi et prêtre, principe de notre humanité au sommet de l'arbre, en son centre, immobile..... au milieu des soleils qui l'entourent.

Recteur cosmique, Christ cosmocrator - le Verbe incréé -principe de toute existence est davantage encore le recteur de tous les mondes possibles.

Ces mondes rayonnent de son coeur comme autant d'échos à une même parole et toutes les sphères de tous les univers, ne sont que grains de sénevé embrassées dans la splendeur du Verbe.

Cette matière elle aussi ayant reçu l'existence de Celui qui est réellement Beau, conserve dans toutes ses dispositions matérielles certains échos de la splendeur intelligible et on peut, grâce à eux, s'élever vers les archétypes immatériels.

Denys l'Aréopagite.