A Gavrinis, ciel terre et mer se sont rencontrés et cela résonne dans ce livre, après six millénaires de silence, dans les interprétations concertantes du peintre et du poète.
De la mer, proche et invisible voisine, l’allée-dolmen de Gavrinis reçoit horizontalité et mouvement, tandis que de voyages imaginaires ou accomplis se lèvent courbes, anneaux ou arceaux « arrêtés » dans la pierre.
Roches tombées du ciel sur ce lambeau de terre improbable, ces dalles marquent de leur verticalité notre pesanteur de terriens. Paradoxe de la fugacité du trait devenue ici presque minérale qui nous laisse confondus par tant d’intelligence… et de beauté!
Nos ancêtres de la Préhistoire possèdent ce sens du temps capté, intégré dans une architecture qui maîtrise les tensions et définit des équilibres. Histoire et magie se ressemblent ici - comme des sœurs - se développant dans un espace « habité »
L’apparente immobilité de ces mégalithes offre, à ceux qui pénètrent ici, le silence de la terre et le mouvement de la mer, car Gavrinis se montre à la fois comme un lieu de nature et un monument, proposant un dialogue étrange avec l’océan si proche et pourtant si lointain, ce que semblent souligner ses composantes verticales.
Gavrinis parle à la fois d’éternité et de transmission; cette dernière, vécue de génération en génération ne serait-elle pas la part la moins illusoire de nos histoires humaines, alors que nous sommes ici dans un « avant » de l’écriture mais non de la parole ?
Oui, à Gavrinis nous ressentons le souffle même des commencements !
Des mots ailés accompagnèrent sans doute ces dessins dont la littéralité s’est envolée pour nous. Alors à Gavrinis confions-nous à l’oreille et à sa mémoire!
Gavrinis délivre une cadence et des accords qu’Alfera nous restitue dans ses partitions grâce à la couleur, en libérant les notes contenues dans ces dalles érigées, bien qu’il retrouve dans chacune de ses compositions leur articulation intime.
Par le jeux de ses tonalités, ce peintre-graveur nous permet de lire et d’atteindre métaphores et symboles à travers la vibration de sa palette.
Il serait sans doute exagéré de parler de mystique à propos des gravures de Gavrinis, le mot métaphysique semblerait convenir davantage car le visiteur pénètre ici dans un dialogue dont il pressent la radicalité.
Cet ouvrage tente de nous relier à ces humains lointains, il a conscience que le rêve et la pensée ne s’opposent pas à Gavrinis où se reflètent des évènements cérémoniaux, où se mêle une conscience de l’au-delà avec traditions et souvenirs d’un peuple. Chacune de ces dalles livre et cache un message que nous ne parvenons pas à décrypter dans l’immédiateté.
La graphie de cette grotte - faite de partitions vibrantes et tourbillonnantes - gardait son mystère; elle était rendue muette par le temps des oublis qui arase les préoccupations d’un peuple au passé si étrangers à nos grammaires, à nos cultures, à nos techniques d’aujourd’hui.
Nous demeurions plongés dans un insondable silence. Grâce à ce poème serré et multiforme d’Antoine de Vial, grâce aux rapports de couleurs très constants qui traversent la peinture de Gilles Alfera, quelque chose d’une humanité engloutie – bien étrangère à notre temps – nous a été restitué. N’est-ce pas, ne serait-ce pas, la justification de tout art que de faire jaillir ou rejaillir la vie?