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Préface à l'exposition de La Madeleine - Paris 2008

Gilles Alfera, c'est, pour moi, la vibration de couleurs dans un dessin, dans une rigueur. Sensualité et ascétisme se mêlent dans un pari : celui de la rencontre entre le monde de la présence et celui de l'absence.
La peinture de G.A. ne suggère pas, elle affirme l'esprit comme ses choix de couleurs révèlent la lumière dans une tentative de s'abolir en elle.
Il y a dans ce peintre une douceur de ton - pleine de violence et parfois de colère.
J'aime cette héraldique de la transcendance dans sa recherche de simplicité qui tente dans sa logique d'intérioriser et parfois d'aller plus loin que les symboles... Je pense que l'arrivée de G.A. dans les contraintes des techniques du vitrail le pousseront dans une logique du dépassement. Il vient un âge où nous sommes invités à unifier nos vies : cela n'a rien à voir avec les "tentations" de l'abstraction!
G.A. est un peintre qui progresse : j'attends avec curiosité son travail de demain.
G.A. fonctionne comme la marée de l'Atlantique : il couvre et il découvre, non pas tour à tour, comme l'océan, mais en même temps.



FLEURIR C'EST ABOUTIR
(Emily Dickinson)
Propos inspirés de « l'arche » pour une peinture exposée en la cathédrale d'Évry (printemps 2010).

Chaque saison, chaque peintre porte l'espoir d'un jour parfait ou d'un tableau abouti dans sa simplicité. Je contemple une toile carrée, d'un format modeste, baptisée par son auteur : « l'arche » (2008).
Alfera y rejoint ici des archétypes et, si cette oeuvre s'avère « aboutie », c'est qu'elle a intégré visions et symboles dans l'exercice et l'ascèse de son métier de peintre. Ce dernier aura suivi d'instinct le précepte d’Héraclite : « L'harmonie cachée vaut mieux que celle qui se voit » : un univers, ses emblèmes, une foi, une sensibilité aux chemins d'un Guénon, s'agrègent à une expérience humaine pour se retrouver ici enfouis et soumis à la nécessité de sa peinture.
Gilles Alfera n'a pas oublié ses clés de lecture, mais il a su les intégrer en avançant sur cette route que nous traçons à notre insu et que nous nommons maturité : n'est–elle pas donnée comme une plénitude, un moment de magie?
Je déchiffre – ici – le tracé d'un visage : celui de l'homme–Dieu en train de mourir tel qu 'il aurait pu se percevoir lui–même, à travers des strates de souffrance traversées, le résumé d'une vie comme posée sur des arches et qui déclinent des tonalités rouges. Il esquisse un sourire qui adoucit l'effroi de ses yeux énormes : l’œil rond du créateur des mondes ( le cosmos, la planète bleue et celui, carré, semblable aux sanctuaires bâtis en l'honneur des divinités de cette terre).
Ce visage effaré exprime « la suave enfance » qui « remonte », ainsi que l’écrit Bernanos, « des profondeurs de toute agonie » dont le signe, tient dans le rayon vertical formé de tons sourds : une lumière délivrée de sa propre gloire et suggérant la route, la présence, la source.
L'auteur n'a sans doute pas « voulu » cette lecture. L'arche n'exprime–t–elle pas l'achèvement d'une existence, d'une vie qui se termine en délimitant ses phases et ses courbures ? N'est–ce pas ici le moment pour le Fils de l’Homme du « tout est accompli » ? Une paix déjà céleste accompagne celui qui va quitter son corps pour se retrouver « Dieu né de Dieu » comme l'écrit le St Jean du prologue.
C'est le moment pour l’Esprit de paraître, mais sans éblouir – comme une présence – dans l'angle que forment les deux rayons verts. Celui–ci n'avait–il pas, jadis, couvert de son ombre Marie dont le monogramme est ici suggéré pour être aussitôt caché... au cœur même de la composition?
Voilà une arche dont l'auteur lui–même ne savait pas jusqu'où elle le conduirait, mais un artiste ne demeure pas le maître de l'interprétation de son travail : lorsqu'il obéit à sa logique, celui–ci parvient même dépasser ses intentions.
Ceux qui reçoivent son ouvrage y découvrent parfois un angle, voir un sens auquel le peintre n'avait pas songé de prime abord: n'est–ce pas pour ce–dernier un signe d'importance... lorsque sa propre lecture cesse d'être univoque?


le 29 mai 2010


Antoine de Vial