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Livres d'Artiste
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BIOGRAPHIE |
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Depuis sa découverte en 1832, que n'a-t-on publié sur Gavrinis et sur l'ornementation unique de cette crypte dolménique ! En près de deux siècles, les pages de textes – érudites ou moins savantes – se sont empilées ; les présentations graphiques de cet art déroutant aussi, mais presque toujours dans un but analytique et interpétatif. Outre l'approche d'un Albert Gleizes (1939 ; cf.Alibert, 1985) ou quelques pièces dans la production foisonnante de Jules Pressant autour des années 1970 (cf. Puget, 1985), rares auront finalement été les artistes à s'imprégner de l'imagerie gavrinienne.
A l'heure où Serge Cassen s'apprête à nous proposer une nouvelle lecture scientifique de ce décor à la lumière des techniques modernes du traitement d'image, c'est donc avec le plus grand plaisir que nous saluerons le somptueux travail proposé conjointement par le poète Antoine de Vial et le graphiste Gilles Alfera.
Partant du dernier relevé exhaustif disponible au lancement de ce travail (E. Shee-Twohig, 1981), Gilles Alfera nous propose de revisiter les 18 principaux panneaux de Gavrinis sous forme d'eaux-fortes polychromes. Si les tracés restent scrupuleusement respectés, leur mise en teinte n'en suit que très librement la lecture « classique ». Cela peut dérouter le lecteur-archéologue mais ce n'est sans doute pas le moindre intérêt de la démarche. Ajoutons que la palette chromatique utilisée est ici tout en douceur, y compris par rapport à d'autres œuvres du même artiste (voir par exemple Alfera, 2009) ; ce n'est sans doute pas innocent et cela contribue à nous faire entrer dans son jeu.
Ce que l'on est convenu d'appeler l'art sacré tient une place importante dans l'oeuvre de Gilles Alfera. Mais il s'agit cette fois de tout autre chose que de la tradition judéo-chrétienne qui lui est familière : L'artiste se confronte ici aux mystères de ce que j'ai naguère pu appeler un « Très Ancien Testament occidental ». De cette tradition perdue, seules de rares bribes – hélas devenues muettes – ont pu survivre aux millénaires sur les parois de quelques mégalithes privilégiés, et Gavrinis est sans doute un des meilleurs sites pour prendre conscience de cette richesse évanouie. Merci à Gilles Alfera de nous en proposer sa propre lecture, hors de toute fausse bien-pensance archéologique.
Pour chaque dalle, ce travail graphique s'accompagne d'un aphorisme d'Antoine de Vial. Gilles Alfera a su lier ce texte au décor, lui en faisant épouser les courbes d'assez près pour que l'un et l'autre se valorisent mutuellement, mais sans que ces deux approches se fassent ombrage. Sur certaines planches cela peut tenir de la gageure mais le pari est globalement fort bien gagné. Antoine de Vial signe également le texte poétique qui occupe les cinq premiers feuillets de l'ouvrage (travail qui, par ailleurs, a fait l'objet d'un pré-tirage en petit format : de Vial, 2012).
Editée sur un magnifique papier bouffant, la série complète (les 18 planches et le texte) est présentée dans un somptueux portfolio de 14 double-feuillets sous boîtage cartonné de 27,5 x 35,5 cm. Limité à 44 ex., ce tirage d'auteur (1) est également proposé en versions « allégées » de 12 et 6 gravures, celles-ci pouvant aussi être obtenues à l'unité, faciles à encadrer. Sous une forme ou sous une autre, c'est là une bien belle idée de cadeau pour tout amateur d'art comme d'archéologie (ce qui n'est nullement incompatible !).